1 de mayo: Abolition du travail aliéné

Filed under: Scrapbook | Tags: | mayo 1st, 2012
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Dans une société industrielle qui confond travail et productivité, la nécessité de produire a toujours été antagoniste au désir de créer. Que reste-t-il d’étincelle humaine, c’est-à-dire de créativité possible, chez un être tiré du sommeil à six heures chaque matin, cahoté dans les trains de banlieu, assourdi par le fracas des machines, lessivé, bué par les cadences, les gestes privés de sens, le conrôle statistique, et rejeté vers la fin du jour dans les halls de gares, cathédrales de départ pour l’enfer des semaines et l’infime paradis des week-ends, où la foule communie dans la fatigue et l’abrutissement ? De l’adolescence à l’âge de la retraite, les cycles de vingt-quatre heures font succéder leur uniforme émiettement de vitre brisée : fêlure du rythme figé, fêlure du temps -qui-est-de-l’argent, fêlure de la soumission aux chefs, fêlure de l’ennui, fêlure de la fatigue. De la force vive déchiquetée brutalement à la déchirure béante de la vieillesse, la vie craque de partout sous les coups du travail forcé. Jamais une civilisation n’atteignit à un tel mépris de la vie ; noyé dans le dégoût, jamais une génération n’éprouva à ce point le goût enragé de vivre. Ceux qu’on assassine lentement dans les abattoirs mécanisés du travail, les voici qui discutent, chantent, boivent, dansent, baisent, tiennent la rue, prennent les armes, inventent une poésie nouvelle. Déjà se constitue le front contre le travail forcé, déjà les gestes de refus modèlent la conscience future. Tout appel à la productivité est, dans les conditions voulues par le capitalisme et l’économie soviétisée, un appel à l’esclavage. (“Déchéance du travail”, Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations, Raoul Vaneigem)

 


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